PROJET DE LOIS DE REFORME TERRITORIALE
Article mis en ligne le 25 juin 2010
dernière modification le 10 septembre 2014

par Claude MEUNIER

Rappelons qu’au moment de la rédaction de cet article ce projet est encore en discussion au Parlement. Nous n’évoquerons donc ici que le condensé de ce qui en est connu à ce jour.

Il nous faut faire attention à ne pas tomber dans le piège tendu à cette occasion par le pouvoir actuel qui pourrait nous amener à opposer Etat et collectivités locales. L’Etat est en effet seul à pouvoir efficacement permettre à chacun d’acquérir son autonomie par rapport à son environnement immédiat, à pouvoir garantir la solidarité des différentes catégories de population et la péréquation entre les territoires.

Nous pensons être en droit d’affirmer qu’au lieu de « réforme » il faudrait plutôt parler de tentative de recentralisation, sous couvert de simplification, de l’organisation territoriale. Les moyens pour y parvenir s’attachent à transformer la situation existante dans quatre domaines : les compétences, les territoires, la démocratie locale et les finances.

Les compétences  : Il existe actuellement la « Clause de Compétence Générale » (CCG) qui autorise les principales collectivités territoriales (Région, Département, Communes) à intervenir dans tous les aspects de la vie de leur territoire respectif, à hauteur de 20% de leur budget. Dans le projet, seules les communes pourraient conserver le bénéfice de cette clause. La Région, le Département et les Intercommunalités se verraient attribuer des domaines d’interventions spécifiques. Cette mesure pourrait rendre très difficile le montage de projets impliquant des domaines comme la culture ou le logement. Prenons aussi comme exemple la vie associative qui se nourrit souvent de l’aide conjointe de différentes collectivités. Les associations risquent à l’avenir de n’avoir comme seule interlocuteur la commune aux moyens souvent limités.

Les territoires  : Un des objectifs affichés des nouvelles lois est de terminer l’organisation des communes en intercommunalités. La date butoir évoquée récemment par l’Assemblée Nationale, avant passage au Sénat, serait fixée au 1er janvier 2013. Dans le texte il est attribué au Préfet , et donc à l’Etat, un rôle coercitif qui pourrait autoriser des « tripatouillages » sur ordre venu d’en haut. L’exemple qui nous est donné par le tout récent et scandaleux redécoupage des cantons n’est pas fait pour nous rassurer sur ce point. Soulignons à ce propos que les Yvelines passeront de 39 à 38 cantons et que celui du Chesnay-Rocquencourt à priori n’est pas concerné. Dans ce chapitre évoquons le cas typique de reprise en main d’un territoire en parlant de l’Ile de France dont le Schéma Directeur (SDRIF), élaboré par l’assemblée régionale, a été délibérément suspendu au profit du projet du Grand Paris piloté sans réelle concertation par l’Etat décidé à imposer aux collectivités, dans ce cadre, la localisation et la maitrise totale de ses Opérations D’intérêt National (OIN)

La démocratie locale  : Les conseillers régionaux et généraux disparaitraient pour faire place au conseiller territorial qui cumulerait les deux fonctions et siégerait à la fois dans les assemblées régionales et départementales. Il serait élu dans le cadre du canton au suffrage uninominal à 2 tours sans proportionnelle comme les députés. Le scrutin uninominal à un tour de type anglo-saxon (le candidat ayant obtenu le plus de voix est élu même s’il est minoritaire en suffrage) avec une petite dose de proportionnelle, un temps envisagé, a été abandonné, outre son caractère peu démocratique, lorsque que la droite s’est rendu compte qu’il risquait de lui être défavorable.

On a cru voir dans cette innovation la disparition programmée du département. A y bien réfléchir il semblerait plutôt que nous pourrions assister à une paralysie des régions avec la lutte en son sein des intérêts départementaux. N’oublions pas non plus que ce système risque de faire basculer à droite, par un simple constat mathématique, de nombreuses régions à commencer par l’Ile de France

Les conseillers représentatifs des communes au sein des conseils des intercommunalités seraient élus (enfin !) à l’occasion des élections municipales par un « fléchage » des candidats à ces conseils proposés par chaque liste. Les modalités de l’application des règles de la proportionnelle à ce sujet ne sont pas encore très claires. Il est à craindre que la représentation des groupes minoritaires ne soit pas réellement assurée.

Les finances  : Il n’y a pas à proprement parler de réforme du mode de financement des différents territoires dans ce projet. Cependant les modifications intervenues auparavant doivent être considérées dans son contexte. Elles ont comme conséquence de réduire considérablement l’autonomie financière des collectivités locales en les rendant davantage dépendantes des dotations de l’Etat. C’est particulièrement le cas avec la suppression de la taxe professionnelle et son remplacement par des taxes calculées sur de nouvelles bases. Si certaines collectivités pensent y trouver avantage comme le Chesnay beaucoup risque d’être fortement pénalisé. En attendant la mise en œuvre complète de cette réforme c’est l’Etat qui doit compenser au centime près l’apport financier de l’ancienne taxe professionnelle. Pour la suite les choses restent encore très incertaines. Le plus pénalisant par contre pour les départements est le transfert effectué vers eux par l’Etat de son devoir de solidarité concernant le paiement de certaines allocations comme le RSA, les allocations de dépendance et aux handicapés. Le montant de ces allocations devait être entièrement compensé par des dotations de l’Etat. Il s’avère que ces dotations couvrent en réalité, au mieux, 80% des besoins obligeant les départements à réduire ou supprimer de nombreuses subventions accordées dans différents domaines, classes vertes pour ne prendre qu’un exemple.

Dans les différents aspect de ces lois nous voyons le couple associant Etat / Région à vocation plus générale de prospective globale à l’ensemble Département / Intercommunalité / Commune davantage consacré à la démocratie de proximité remplacé par un nouveau couple composé par Etat / Région / Département d’une part et Intercommunalité / Commune d’autre part avec l’importante perte en influence de cette dernière entité qui devra cohabiter avec une autre partie très renforcée et encore davantage déconnectée du terrain.

Nous pouvons conclure en faisant part de la préoccupation de très nombreux élus locaux qui voient dans ces projets une réelle défiance du pouvoir à leur égard et une méconnaissance de l’importance de la démocratie de proximité. Ils considèrent cette démocratie comme une richesse qui ne doit pas être dénoncée comme un gêne mais au contraire encouragée. Ils savent quels excès peuvent être induits par un renforcement trop marqué de l’autorité centrale.

Remarquons, par ailleurs, que les communes sont relativement peu concernées par ces nouvelles lois en discussion et que le cadre dans lequel elles évoluent ne sera pas modifié de façon significative.

Claude Meunier